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Le football étant un sport extrêmement populaire et de fait, engendrant des comportements clivants, les fans ont souvent besoin de classer (et de comparer) leur équipe face aux autres afin de satisfaire leurs exigences, leur égo, ainsi que leur simple curiosité. Si les résultats bruts sont souvent le meilleur étalonnage de valeur dans le sport (la place au sein des championnats respectifs et les trophées glanés par saison), ils ne peuvent suffire pour déterminer la qualité d’une équipe et l’adversité rencontrée de manière satisfaisante. Les statistiques et l’aspect visuel permettent une analyse plus pertinente et nuancée (moins brute tout du moins), mais cela ne résous pas la difficulté de comparer deux équipes n’évoluants pas dans le même championnat, ni la possibilité de justifier l’absence de pédigrée d’une bonne équipe évoluant dans un championnat au niveau trop relevé (alors que cette même équipe pourrait être plusieurs fois titrée dans un autre).
Les fans ont donc pris l’habitude de comparer le niveau des différents championnats européen (voir mondiaux), afin de justifier certaines performances, d’en décrédibiliser d’autres ou pour tout simplement rajouter une certaine valeur aux performances des équipes supportées. Ce sujet épineux et donc devenu source de discorde et de fierté au fils des décennies.
Au lieu de baser leurs analyses sur une impression subjective purement visuelle (ou se référer au nombre de stars présentes dans le championnat), certaines personnes se sont persuadées depuis plusieurs années avoir trouvé la meilleure manière de procéder, c’est à dire s’appuyer sur le classement UEFA.
Il est vrai que le classement UEFA a quelques avantages à son compte pour départager les fans dans cet éternel débat. Très brut, il se contente de classer les différentes ligues européennes selon les performances (victoires, nuls, défaites) des clubs envoyés dans les différentes compétitions européennes par les différentes associations des pays membres. Très facile à lire et considéré comme objectif par beaucoup, il classe les pays par ans mais aussi sur une période plus longue de cinq années consécutives, permettant ainsi de limiter l’impact d’une saison comptablement compliquée et lissant de fait les résultats sur le long terme afin d’apporter une plus grande pertinence.

classement au 6 décembre 2024
https://fr.uefa.com/nationalassociations/uefarankings/country/?year=2025
Ce classement permet aussi une meilleure planification. En effet, l’UEFA ne produit pas ce ranking pour satisfaire l’appétit des supporters mais bien pour attribuer de précieuses places européennes aux centaines de clubs professionnels des différentes associations continentales. Ces compétitions étants extrêmement intéressantes financièrement à jouer, l’enjeu est donc de taille pour grappiller le plus de places dans les meilleures compétitions. N’ayants pas véritablement d’autres moyens comparatifs que les rencontres directes, il s’est imposé à tous comme un pilier du supportérisme européen et en particulier pour les français, souvent mis en danger par le Portugal et les Pays-Bas au classement, qui en font depuis plusieurs saisons une affaire de fierté nationale. Les clubs nous “plombant” au classement sont donc régulièrement pointés du doigt, au point d’en faire une obsession pour certains. Outre Rhin, le classement semble moins important étant donné que l’Allemagne conserve confortablement sa place dans le top quatre (les places les plus intéressantes) depuis maintenant plusieurs années. L’intérêt est aussi de se maintenir dans les “cinq grands championnats” européens, presque considérés comme les seuls qui en vaillent le coup dans le monde (même si certaines voix réduisent cette vision à quatre grands championnats). Sortir du “Big Five” reviendrait donc à une violente claque pour le championnat de France et ajouté à cela les moqueries des anglophones concernant la “Farmers League”, l’humiliation serait certaine et sans doute trop difficile à supporter.
À la lecture du classement UEFA, il est effectivement à noter qu’un top quatre se dégage clairement et semble stable, car il faut en effet remonter à la saison 2007/2008 pour voir un autre pays que l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie trôner dans le top 4 (la France à la place de l’Allemagne à l’époque). La Premier League semble aujourd’hui incontestablement la meilleure ligue d’Europe et le trio de poursuivants change en fonction des années. Ensuite vient un autre trio, moins prestigieux, qui se bat pour la cinquième place (les autres pays se battants pour les miettes restantes). Si la France conserve son assise depuis maintenant huit ou neuf saisons, rien n’est jamais acquis sur le long terme.
Le championnat français serait donc en conclusion initiale plus proche de celui des Pays-bas que de la Bundesliga ?
En réalité, la réponse se doit d’être plus nuancée puisque le classement UEFA omet plusieurs points très importants, premièrement le fait que les associations ne sont pas mises sur un pied d’égalité au début de chaque saisons, deuxièmement le fait qu’il ne prend en compte que les équipes qualifiées en coupe d’Europe, et enfin que chaque club ne peut pas s’investir de la même manière dans les compétitions continentales.
En premier lieu, une ligue nouvellement riche (la Serbie à tout hasard) prendrait plusieurs saisons pour monter dans le classement puisque le pays n’aurait droit au départ qu’aux places précédemment acquises pour parvenir en haut du classement, ce qui ne reflèterait pas la qualité actuelle du championnat. Cette optique reste la moins problématique, la plus hypothétique et la moins impactante (surtout sur le long terme), elle ne demeure donc qu’anecdotique dans ma justification.
En revanche, juger du niveau d’un championnat en se basant exclusivement sur les clubs européens est plus problématique. Comment se justifier de la pertinence d’un classement qui ne prend en compte que les performances de huit clubs (au mieux), alors que les championnats sont en moyenne composés d’une vingtaine de clubs chacun ? Le classement UEFA ne permet en réalité seulement de comparer les performances européennes des meilleurs clubs de chaque pays les uns par rapport aux autres.
Ensuite, les clubs ne peuvent pas tous s’investir de la même manière dans les compétitions européennes. Benfica, Porto, le PSG, le Real Madrid, le PSV etc. peuvent s’investir pleinement dans leurs campagnes européennes puisqu’ils n’encourent pas le moindre risque de se faire chiper leur place en Ligue des champions sur leur scène nationale. Les championnats dans lesquels les places européennes sont toujours occupées par les mêmes clubs jouissent d’un avantage conséquent par rapport aux autres. C’est pourquoi la ligue portugaise, dans laquelle le top quatre est presque toujours le même dispose de certitudes dont les autres ne peuvent que rêver. Tout ceci en revient globalement à une question de stabilité, premièrement nationale, puis européenne mais aussi financière puisque les trois sont intimement liés. Les clubs français luttent au centime près pour rester compétitifs sans prendre de risques financiers et c’est pourquoi le seul objectif est la qualification européenne et non la performance dans ladite compétition, puis de se concentrer à nouveau sur le championnat pour arracher une nouvelle qualification qui n’est jamais acquise en Ligue 1 la saison d’après.